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Valoriser les femmes dans la découverte de médicaments

Une conversation avec Yael Mamane, Ph.D.

Nous avons discuté avec Yael Mamane, directrice principale du département de biologie cellulaire et des sciences translationnelles, de sa passion pour la découverte de médicaments et des raisons pour lesquelles il y a une telle disparité entre le nombre de femmes qui étudient les sciences et le nombre de celles qui poursuivent une carrière scientifique.

Dans cet entretien, Yael nous parle du moment où elle a eu le déclic pour la recherche scientifique. Elle nous décrit son parcours professionnel en nous décrivant les différences entre la recherche scientifique dans le milieu universitaire, son passage dans des grandes et moyennes entreprises pharmaceutiques, son travail comme employée numéro 2 d’une startup biotechnologique et, finalement, son arrivée dans une SRC. Yael nous partage également ses projets d’expansion des services de biologie chez NuChem Sciences et le type d’encouragement et de soutien dont elle pense que les femmes ont besoin pour poursuivre une carrière scientifique.

Quel est votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a inspirée à poursuivre une carrière dans la découverte de médicaments ?

Dès que je suis entrée dans le laboratoire pour un projet de recherche d’un an dans le cadre d’un programme spécialisé avec un professeur de McGill, ça a tout simplement cliqué. J’ai fait toutes mes études à Montréal et ma carrière de chercheuse en découverte de médicaments s’est déroulée à Montréal. J’ai fait mes études de doctorat et de postdoctorat à McGill. À la fin de mon postdoctorat, j’ai été recrutée chez Merck Frosst, où j’ai travaillé dans leur grand centre de recherche de l’ouest de l’île de Montréal, qui a mis plusieurs médicaments sur le marché.

J’ai travaillé chez Merck Frosst pendant environ cinq ans, où j’ai vécu une expérience formidable. C’était ma première expérience dans l’industrie pharmaceutique privée. C’est là où j’ai appris à travailler correctement et efficacement dans la découverte de médicaments avec un incroyable mentor, le Dr Joseph Mancini. J’ai exploré plusieurs domaines thérapeutiques : diabète, obésité, maladies infectieuses et cardiovasculaires.

Je n’ai que de bons mots à propos de Merck Frosst et des gens avec qui j’ai travaillé là-bas. Après la fermeture de Merck Frosst, je suis allée chez Vertex Pharmaceuticals qui était une entreprise pharmaceutique de taille moyenne. Au cours des 6 années que j’ai passées là-bas, j’ai évolué vers un rôle plus managérial avec une équipe plus importante sous ma responsabilité. Nous avons travaillé sur les maladies inflammatoires de l’intestin et les maladies orphelines. Vertex a été la dernière pharmaceutique à faire de la recherche au Québec. Alors, quand ils ont fermé leur site de recherche, je devais passer à autre chose.

À l’époque, les SRC comme NuChem se remettaient sur pied et les entreprises de biotechnologie commençaient à apparaître parce qu’il y avait plusieurs scientifiques de talent à Montréal. Les chimistes et les biologistes ont commencé à se regrouper pour faire autre chose. Une fois Vertex fermé, j’ai reçu un appel d’un de mes anciens collègues de Merck Frosst, le Dr Cameron Black, qui m’a demandé si je voulais démarrer le groupe de biologie pour une nouvelle entreprise de biotechnologie. J’ai tout de suite saisi ce qui me semblait être une occasion exceptionnelle et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler chez Repare Therapeutics. Chez Repare, j’étais l’employée numéro 2. Nous sommes partis de zéro avec absolument rien et nous avons magasiné pour équiper le laboratoire en entier. Au cours de mes 5 années chez Repare, j’ai fait passer mon équipe à environ 15 biologistes.

Qu’est-ce qui vous a décidée à rejoindre NuChem ?

Je suis partie pour NuChem Sciences parce que je voulais donner un nouvel envol à ma carrière. J’ai vraiment apprécié ce que j’ai fait chez Repare. J’ai adoré mon travail et beaucoup apprécié l’équipe, mais je me sentais plafonnée. Je suis quelqu’un qui a besoin d’être stimulée professionnellement. Il était donc temps pour moi de relever un nouveau défi.

J’ai une vision particulière de ce que je veux faire dans ma carrière et j’aime que les choses progressent. J’ai saisi l’occasion de rejoindre NuChem lorsque l’ancienne directrice du département de biologie a pris sa retraite. NuChem a pu m’offrir des opportunités de développement professionnel et me donner plus d’accès aux prochaines étapes de carrière. J’en suis rendue à un moment de ma carrière où je me vois soit comme une directrice de la science (CSO) ou des opérations (COO), soit comme la directrice de l’exploitation d’une SRC ou d’une entreprise de biotechnologie.

Comment s’est passée la transition lorsque vous êtes passée d’un travail dans l’industrie pharmaceutique à un travail pour une SRC comme NuChem ?

Pour moi, tout était complètement différent. Je n’avais jamais travaillé pour une SRC auparavant et je n’ai jamais eu affaire à des clients. C’était moi qui étais le client avant. Maintenant, j’apprécie vraiment de travailler avec différents clients.

Je ne pensais pas que j’aimerais interagir avec les clients parce que j’ai une personnalité plutôt réservée, mais j’aime beaucoup le développement des affaires. J’aime discuter avec les clients de ce qu’ils font et de la manière dont mon équipe et NuChem peuvent les aider. J’aime pouvoir leur dire que nous pouvons les soutenir s’ils n’ont pas les laboratoires, la bande passante ou toute autre chose dont ils ont besoin.

J’aime voir la science réalisée par nos clients actuels et aussi par des clients potentiels. La science qui se fait à Montréal et dans d’autres villes comme Boston et San Diego est vraiment impressionnante.

Pouvez-vous décrire ce que vous faites ?

Chez NuChem, nous travaillons sur la découverte de médicaments à petites molécules. Nous aidons nos clients à développer des médicaments pour un besoin médical non satisfait. Nous nous occupons de la partie préclinique, c’est-à-dire tout ce qui précède les essais cliniques. Je supervise la biologie cellulaire et la pharmacologie in vivo. En ce moment, je dirige une équipe d’environ 25 personnes et j’ai de nombreux clients différents. C’est passionnant et c’est également un défi très stimulant.

Qu’est-ce que les gens ont du mal à comprendre lorsque vous expliquez ce que vous faites ?

Si ce sont des scientifiques qui n’œuvrent pas dans la biotechnologie, ils pensent parfois que nous sommes une bande de robots qui ne font que répéter des choses. J’ai dû expliquer plusieurs fois que nous avions des robots pour effectuer les tâches robotiques. En tant que scientifiques dans le domaine de la découverte de médicaments, nous faisons beaucoup de science exploratoire.

Si ce sont des non-scientifiques, les gens sont surpris d’apprendre que ce qui nous motive, c’est d’aider les patients et de faire avancer la science.

En quoi est-ce différent d’être un scientifique travaillant dans l’industrie de la découverte de médicaments par rapport au milieu universitaire ?

Dans la découverte de médicaments, nous voulons des gens qui réfléchissent à des problèmes complexes. Des personnes créatives, innovantes et qui font preuve d’imagination. Nous valorisons le travail d’équipe. C’est très différent du milieu universitaire. Même si vous êtes appelé à travailler avec d’autres lorsque vous poursuivez des études doctorales et postdoctorales, vous vous occupez principalement de vos activités personnelles : votre article, votre financement, vos subventions.

Le travail d’équipe est primordial dans le domaine de la découverte de médicaments. Les gens qui ont un gros ego ne s’intègrent généralement pas bien. Dans une équipe impliquée dans la découverte de médicaments, tout le monde doit travailler en collaboration avec les autres. Par contre, ils doivent comprendre qu’ils n’apportent qu’une pièce du puzzle, pas toutes les pièces.

Qu’est-ce qui vous a encouragée à vous lancer sur la voie de la gestion et à quel style de leadership aspirez-vous lorsque vous gérez votre équipe ?

Quand j’ai commencé chez Merck Frosst, ils ont reconnu mes qualités relationnelles et ont vu que j’aimais enseigner et travailler en équipe. J’ai alors suivi des cours de gestion et de leadership. Depuis, je me tiens à jour avec des formations régulières sur divers aspects du leadership et du management, car il y a toujours de nouvelles choses à apprendre.

Je dirais que mon style de leadership est inclusif. Il existe une expression française qui dit « mettre la main à la pâte », ce qui veut littéralement dire qu’il faut se mettre les mains dans la pâte pour réussir. Je m’implique et je travaille dur. J’aime m’assurer que les membres de mon équipe savent que je suis là s’ils ont besoin de moi. Chez Repare, lorsque mes équipes avaient besoin d’aide au labo, je les aidais dans le labo.

Je m’assure également que les membres de mon équipe participent aux décisions. Je ne prends pas de décisions unilatérales qui pourraient affecter toute l’équipe sans les consulter. Lorsque nous embauchons de nouveaux employés, c’est une décision de groupe.

Que disent les autres à propos de votre style de leadership ou de vous-même ?

Une fois qu’ils me connaissent, les gens se rendent compte que je connais très bien mon travail après toutes ces années. Ils diront également que j’ai des standards élevés pour moi-même et pour les autres. Je suis très organisée et accessible. J’aime socialiser avec l’équipe pour leur offrir un environnement de travail agréable et m’assurer qu’ils soient heureux de venir travailler.

Existe-t-il des défis particuliers pour les femmes dans le domaine des sciences ?

Je n’arrive toujours pas à croire que même à ce jour, je me retrouve encore dans certaines situations où je suis la seule femme dans la pièce. Je ne comprends pas pourquoi parce qu’il y a beaucoup de femmes intelligentes en sciences.

Quand j’étudiais à McGill, le ratio était facilement de 50/50, même que je pense qu’il y avait plus de femmes que d’hommes en recherche. Aux niveaux doctoral et postdoctoral, il y avait probablement un nombre égal de femmes et d’hommes, mais dès qu’on regarde dans l’industrie, le pourcentage de femmes commence à baisser. De plus, les hommes sont souvent promus plus fréquemment que les femmes.

Je ne sais pas si les chiffres inégaux sont simplement dus au fait que les femmes ne sont pas promues ou si elles ont décidé de passer à autre chose, mais il arrive encore régulièrement que je sois la seule femme dans la pièce ou lors d’une conférence téléphonique. Je trouve cela triste et choquant.

J’appartiens à des associations comme « Women in Bio » pour essayer d’encourager les femmes à aller en sciences. J’encourage mes subordonnés féminins et masculins à aller plus loin dans leur carrière si c’est ce qu’ils désirent. Si vous visitez mon département de biologie chez NuChem, il y a 50 % de femmes et 50 % d’hommes. En fait, les femmes sont peut-être même plus nombreuses que les hommes.

Je m’assure que les femmes et les hommes de mon équipe sont conscients de leurs capacités. Je ne suis pas près de prendre ma retraite, mais je pense toujours à former la prochaine génération de chasseurs de médicaments. Par exemple, il y a une femme dans mon équipe qui a la capacité de devenir directrice associée. Je lui donne donc l’occasion de développer ses compétences au maximum. Je lui confie plus de projets et plus de clients à superviser. Elle est actuellement en train de passer d’un travail dans le labo à la gestion de projet parce qu’elle est douée et qu’elle a les compétences requises. Il est important pour moi de promouvoir la bonne personne pour le bon rôle, que ce soit un homme ou une femme.

De plus en plus d’entreprises songent à avoir des femmes au sein de leurs conseils d’administration afin qu’ils soient plus variés, qu’il n’y ait pas que des hommes. Faire partie d’un comité consultatif scientifique est l’une des choses que je veux réaliser au cours de ma carrière.

Espérons que je ne serai pas la seule femme lors d’une conférence téléphonique d’ici quelques années.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes en sciences ?

Ne vous découragez pas et ne pensez pas que ce n’est pas pour vous. N’ayez pas peur de dire ce que vous avez à dire pour participer. Vous êtes aussi bonnes que n’importe qui d’autre. Personnellement, j’aurais aimé avoir ces connaissances et ces encouragements il y a 20 ans.

Je ne sais pas comment les choses vont changer exactement, mais je pense que ça s’améliore lentement. On voit souvent des femmes manquer de confiance en elles, qui se demandent si elles sont capables de le faire. On entend souvent : « Je ne sais pas si je peux relever ce défi ou je ne suis pas certaine que ce poste soit fait pour moi ». Les femmes ont besoin d’être encouragées et de se faire dire qu’elles peuvent le faire, d’essayer. Elles ont besoin d’entendre : « Tu peux le faire ! Lance-toi et tu verras, tout ira bien ».

Pourquoi la chasse aux médicaments est-elle votre passion ?

J’aime les sciences en général, mais j’aime vraiment m’investir dans un domaine thérapeutique ou sur une cible médicamenteuse en me demandant : « Comment attaquerions-nous cela ? Que devons-nous faire pour développer des tests ? Comment allons-nous travailler avec les chimistes là-dessus? » Toutes les étapes que nous devons franchir pour arriver au candidat préclinique sont fascinantes et passionnantes. En gros, j’aime simplement tout ce qui se rapporte à la chasse aux médicaments.

Le travail de détective correspond à ma personnalité. J’aime mettre les bonnes personnes sur le bon type d’expériences, discuter des données et aller de l’avant avec d’autres expériences qui nous amèneront à faire avancer les molécules vers un résultat positif.

C’est vraiment gratifiant de savoir que vous apportez votre petite pièce du puzzle pour développer un médicament pour les patients. Quand j’étais chez Vertex, on travaillait sur la fibrose kystique et même si les médicaments provenaient d’un autre site, nous apportions notre contribution avec d’autres médicaments, car il s’agit d’une combinaison de plusieurs éléments. C’est formidable de savoir que nous avons fourni une partie du médicament pour les patients atteints de fibrose kystique et qui auraient pu mourir dans la trentaine sans cela.

Au moment où l’on parle, les médicaments sur lesquels j’ai travaillé chez Repare sont en cours d’essais cliniques pour le cancer. C’est très gratifiant de savoir que ce que nous avons fait en laboratoire profite aux patients, en particulier à ceux qui sont atteints d’un cancer, car les essais cliniques de Phase 1 sur les cancers sont effectués avec des patients pour qui tout le reste a échoué.

Comment est l’environnement de travail chez NuChem Sciences ?

C’est une entreprise dynamique dont je suis fière de faire partie. Nous faisons de la science de très grande qualité. Mes anciens collègues et amis me manquent, mais il y a plus de possibilités de croissance ici. NuChem a été une opportunité exceptionnelle pour moi. Je suis ici depuis environ 10 mois et j’ai pratiquement carte blanche pour agrandir mon équipe comme je l’entends et embaucher le personnel dont j’ai besoin. Nous avons des plans d’expansion ambitieux pour le département de biologie cette année.

La direction est très ouverte aux nouvelles idées. À l’heure actuelle, NuChem est davantage axé sur la chimie avec environ 200 chimistes par rapport à environ 50 biologistes au total. Il y a un très haut niveau de chimie en cours, mais nous développons activement l’équipe de biologie. Nous agrandissons nos laboratoires et nos services de biologie en offrant plus d’expériences que nous pouvons réaliser, des types supplémentaires de modèles in vivo et de nouveaux équipements et technologies.

Les clients avec qui j’ai travaillé chez NuChem Sciences sont charmants et ils sont heureux d’entendre nos suggestions. Ils viennent nous demander de l’aide et ils nous traitent comme des partenaires, pas comme une paire de mains qui se contente de faire des expériences et de rédiger des rapports. Nous sommes une extension de leurs laboratoires et nous nous investissons émotionnellement dans la science sur laquelle ils se concentrent. Nous voulons qu’ils réussissent dans leur découverte de médicaments.

Pour vous, quelle est la découverte de médicaments la plus intéressante de l’histoire ?

Je dois dire ceux qui ont changé la face du monde, c’est-à-dire les antibiotiques et les vaccins. Mais pour les découvertes plus récentes, je dirais la médecine de précision. Par exemple, ce que nous faisons en oncologie, domaine sur lequel je me suis concentrée chez Repare pendant cinq ans : cibler le cancer par la génétique du cancer. La médecine de précision s’applique également aux maladies orphelines ou aux maladies génétiques, c’est-à-dire celles ciblant les patients qui ont une certaine mutation dans un gène, que cela conduise à un cancer, à la fibrose kystique ou à une autre maladie. Essayer de réparer la mutation est un projet ambitieux et représente l’avenir de la médecine.

La médecine personnalisée et la thérapie combinée représentent l’avenir dans la découverte de médicaments. Un seul comprimé ne suffira plus pour agir sur des maladies complexes. Il faudra que ce soit de la polypharmacologie.

Avez-vous une citation préférée ?

Il y a une citation de Pasteur que j’aime garder sur mon bureau :

« La science n’a pas de patrie, parce que le savoir est le patrimoine de l’humanité, le flambeau qui éclaire le monde ». Louis Pasteur